Avant de travailler dans l'Arctique comme conseiller en arts, Terry Ryan a passé deux ans, entre 1956 et 1958, à la station météorologique de Clyde River. C'est en 1960 qu'il est retourné dans l'Arctique pour travailler comme conseiller en arts et directeur général du studio d'art appartenant à la communauté. Il a noté les bouleversements majeurs qu'avait connus l'est de l'Arctique en deux ans à peine. De plus en plus d'étrangers (des chercheurs, fonctionnaires, policiers, enseignants ou commerçants) se rendaient dans le Nord, et de plus en plus d'Inuits abandonnaient les camps pour s'installer dans des maisons de bois permanentes provenant du Sud. M. Ryan a compris que la région traversait de profonds changements, qui allaient inévitablement s'accélérer avec les changements apportés par la modernité et les conséquences terribles des politiques d'assimilation sanctionnées par le gouvernement.
En 1963, il a demandé une subvention au Conseil des Arts du Canada pour « encourager les gens du nord de l'île de Baffin à dessiner et à recueillir ces dessins... avant que la chance ne s'envole ». Il s'est proposé pour aller visiter les trois collectivités de la région, à savoir Clyde River, Pond Inlet et Arctic Bay, pour y distribuer du papier et des crayons, puis acheter les dessins à ses frais avant de revenir au Sud. Il a ciblé ces collectivités parce qu'elles n'avaient pas bénéficié d'un programme d'art officiel. Il pensait que les gens s'exprimeraient ainsi plus directement, sans chercher à faire des dessins « sentimentaux » qui plairaient aux publics du Sud.
Aux dires de tous, Terry Ryan ne disait pas aux gens ce qu'ils devaient faire ou dessiner. Mais ceux-ci s'inquiétaient des raisons de son intérêt. Il répondait toujours que les dessins « feraient connaître le talent des gens du Nord aux gens du Sud et seraient intégrés à une collection destinée à leurs enfants » . La plupart des dessins comprennent du texte en inuktitut et presque tous ont été signés par l'artiste en alphabet syllabique, en caractères romains ou au moyen de « numéros de disque », des numéros d'identification uniques attribués par le gouvernement entre les années 1940 et 1970, un peu comme les numéros d'assurance sociale aujourd'hui. M. Ryan n'a pas visité Igloolik, mais il a envoyé du papier à cette collectivité et a invité les gens à faire des dessins qu'on lui enverrait ensuite par la poste.
Au début de février 1964, Terry Ryan a pris l'avion à Iqaluit (Frobisher Bay, à l'époque), dans le sud de l'île de Baffin, en direction de Clyde River, au Nunavut. Il connaissait bien des gens de cette collectivité en raison du poste qu'il y avait occupé huit ans plus tôt, ce qui a grandement facilité l'explication des objectifs de son projet. Il a d'abord passé plus d'une semaine à Clyde River. Puis, il a obtenu les services de guides pour atteindre en traîneau à chiens les campements éloignés afin d'y distribuer du papier et de visiter de vieux amis, comme Sakkiasie Arreak [photo]. Avec Jaypody et Simonie pour guides, il a voyagé en traîneau à chiens jusqu'à Pond Inlet, qui se trouve à près de 400 km de là. Ce voyage, marqué par la maladie et ralenti par la banquise parfois inégale, lui a pris quatorze journées difficiles, mais s'est tout de même avéré une « expérience inoubliable » en raison de la beauté des montagnes de la région. Après avoir passé plusieurs semaines à Pond Inlet à distribuer du papier et à visiter les campements isolés, il a repris l'avion vers Arctic Bay, à 240 kilomètres à l'ouest. Il a distribué du papier dans les environs, puis a pris le chemin du retour, en recueillant les dessins à chaque étape. Rentré à Iqaluit en mai 1964, il a repris ses fonctions à Cape Dorset.
Biographies
Né à Toronto en 1933, Terry Ryan a reçu son diplôme de l'Ontario College of Art and Design en 1954. La première fois qu'il a voyagé dans l'Arctique, en 1956, c'était en tant que météorologue à Clyde River, où il est resté deux ans. Il a été embauché comme conseiller en arts par la West Baffin Eskimo Co-op en 1960, a ensuite été promu directeur général en 1962. M. Ryan a conservé son poste à Cape Dorset pendant 30 ans. Il a joué un rôle important dans l'orientation du travail de trois générations d'artistes graphiques, de sculpteurs, de cinéastes et d'artisans à Cape Dorset. À compter de 2000, et jusqu'à sa retraite en 2008, il a été directeur de Dorset Fine Arts, la succursale de commercialisation de la West Baffin Eskimo Co-op à Toronto.
Pragmatique et avisé, il défendait la politique du « studio ouvert », qui a incité une belle brochette d'artistes du Sud à venir au Nord pour créer un forum où circulaient librement les idées et les compétences entre leurs deux mondes. Ardent défenseur de l'art de Cape Dorset, il a contribué à l'ouverture d'un marché international pour l'art inuit et a facilité l'expérimentation de nouveaux moyens d'expression par les artistes, y compris la céramique, le tissage, la typographie et l'animation. Il n'a cessé de promouvoir le célèbre studio d'estampes de Cape Dorset, contribuant à en faire le doyen des studios privés dans le domaine. En reconnaissance de son dévouement et de ses réalisations, il a reçu l'Ordre du Canada en 1983 et le Prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques en 2010.